dimanche 3 mars 2013

JEAN-BAPTISTE POQUELIN dit MOLIÈRE


L'auteur de la lettre sur la comédie du Misanthrope écrit : "Molière n'a pas voulu faire une comédie pleine d'incidents, mais une pièce seulement où il pût parler contre les mœurs du siècle."

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Voulant faire un portrait du siècle dans le Misanthrope, Molière ne pouvait choisir de meilleurs personnages qu'un misanthrope qui, haïssant les hommes est habile à découvrir leurs défauts et une coquette médisante qui "se plaît à en dire tout le mal qu'elle en sait." C'est ce qu'explique l'auteur de la Lettre sur la Comédie du Misanthrope, qui fut placée en tête de l'édition de 1667... Cette pièce est, en effet, un document merveilleux sur la société du XVIIe siècle. Elle nous renseigne sur :

I. Les relations sociales et mondaines à cette époque. 
1. L'importance de la vie mondaine : les visites et la conversation semblent l'unique occupation de ces riches et élégants désœuvrés ; le salon de Célimène... on y dit avec esprit du mal de tout le monde ; les portraits.
2. La politesse est exquise : protestations d'amitié, embrassades, etc..., mais elle est toute extérieure ; égoïsme, méchanceté, injustices ; il faut solliciter les juges et louer les poètes importuns, si on ne veut pas s'attirer d'affaires (les duels et les accommodements : tribunal des Maréchaux).
3. Avec les femmes les hommes se montrent assez grossiers : ils tripotent dans la correspondance de Célimène et parlent de montrer ses lettres à tout Paris. Tous ces gens-là ne sont guère galants, ils sont plus raisonnables que passionnés. Voyez comment Eliante et Philinte combinent leur mariage (IV, 1). Ils manquent de délicatesse morale.

II. Les types.
1. Alceste et Philinte : l'homme sage et complaisant, qui prend son parti des vices des hommes et est sans illusions sur eux, - et l'ami de la vérité, toujours en révolte contre les usages du monde, grincheux et insupportable.
2. La coquette et la prude (cf. III, sc. 5). Célimène paraît plus légère, mais moins méchante.
3. Les marquis (cf. III, sc. 1) fats, prétentieux, contents, d'eux-mêmes.
4. Le poète bel esprit, De ses vers fatigants, lecteur infatigable : Oronte (cf. I, sc. 2).
5. Il ne faut pas oublier les types si finement dessinés par Célimène (II, 4). Cléonte, l'extravagant ; Damon, le raisonneur ; Timante, l'homme affairé et mystérieux ; Géralde, entêté de qualité ; Adraste, vaniteux et jaloux ; Cléon, qui s'est fait un mérite de son cuisinier ; Bélise, incapable de soutenir une conversation ; enfin Alceste, lui-même, l'éternel contredisant...

Molière est ici le rival de La Bruyère. Comme lui, il nous a laissé un tableau vrai et vivant de la société de son temps où nous pouvons souvent nous reconnaître nous-mêmes.

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Tartuffe est-il un drame ou une comédie ?

Il y a longtemps qu'on a remarqué que les pièces de Molière ont quelque chose de tragique et que son rire, pourtant si franc et irrésistible, a comme un arrière-goût d'amertume.

Quelle mâle gaieté, si triste et si profonde
Que, lorsqu'on vient d'en rire. on devrait en pleurer ! 

De Tartuffe surtout, on peut se demander : Est-ce un drame, est-ce une comédie ?

I. Il y a des éléments de drame dans "Tartuffe."
1. Le sujet n'est guère plaisant en soi : Un hypocritique s'introduit dans une famille, y met le désordre et la désunion... suborne Elmire, est près d'épouser la fille, réussit presque à expulser Orgon.
2. L'hypocrisie est d'ailleurs un vice beaucoup plus odieux que ridicule. Tantôt l'hypocritique effraie (Mariane sacrifiée à la manie de son père). Tantôt il est répugnant par l'usage sacrilège qu'il fait de "maximes qu'on révère," (Les scènes entre Elmire et Tartuffe ont quelque chose de pénible.) Ainsi Tartuffe est bien sous certains rapports un drame, et on en a particulièrement l'impression à la fin du quatrième acte, quand le scélérat vient d'être démasqué et triomphe. Il semble que Molière ait voulu vraiment nous effrayer et nous montrer que ce vice est tout particulièrement dangereux.
Cependant, il ne faudrait pas exagérer.

II. "Tartuffe" reste une comédie.
On pourrait dire que la pièce répond bien à la définition de Fénelon : la comédie représente les mœurs des hommes dans une condition privée. Mais Fénelon oppose la comédie à la tragédie, non au drame ; il ne l'est pas, parce que Molière a pris toutes les précautions pour qu'il ne le fût pas.
1. Il retarde l'arrivée de Tartuffe en scène, pour que nous soyons bien renseignés sur lui. Nous le voyons d'abord par les yeux de Dorine (I, 2)... Orgon achève de nous le faire connaître, sous un jour caricatural (I, 5).
2. Tartuffe ne trompe que Mme Pernelle qui est une sotte et Orgon qui est un imbécile. Ces deux personnages sont très chargés à dessein... Tous les gens sensés dans la pièce voient clair dans son jeu, personne n'a peur de lui.
3. Et Dorine surtout donne le ton. Elle intervient chaque fois que nous sommes près de nous attendrir ou de nous effrayer... elle se substitue à Mariane (II, 2) et fait rire par ses bouffonneries... à l'acte V ses réflexions impertinentes, qui seraient déplacée dans un drame, nous rappellent ici qu'il ne faut pas prendre les choses au tragique (Juste retour, monsieur)... (V, 3 v. 1695 et V, 5 v. 1815) ; la situation d'Orgon sous la table, l'incrédulité de Mme Pernelle, le ton radouci de M. Loyal sont encore des éléments de comique.
4. Enfin le dénouement inattendu, l'intervention du roi, en même temps qu'une flatterie à l'adresse de Louis XIV, empêche la pièce de finir en drame et nous donne l'impression que tout s'arrange... Orgon désabusé, Tartuffe en prison : tout est bien qui finit bien, Maraine épousera Valère... Mais nous avons eu une belle peur. Telle est exactement l'impression que Molière a voulu nous laisser.

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