Renoncule : Vous vous moquez de ma douleur.
L'Homme en Noir : La vie est douleur, Altesse, celui qui dit le contraire a quelque chose à vendre.
ça devrait suffire, ça pourrait suffire. parce qu'aller plus loin, s'éloigner des rebords sécurisants des apparences ce serait risquer la déception, voire la frustration, peut-être l'ennui.
sans luxe ni excès j'ai une vie confortable, même très plaisante par rapport à ce qui hante 90% de l'humanité. je mange tous les jours à ma faim et tous les jours trop. je pourrais supprimer la moitié de ma ration quotidienne, tant en solides qu'en liquides, et demeurer en excellente santé. sans doute en meilleure santé même.
confronté comme tout un chacun au regard des autres, j'en suis encore à m'estimer relativement beau et remarquablement bien foutu, j'apprécie et je considère que cela a une certaine importance dans ma gestion quotidienne personnelle.
je suis quelqu'un qu'on envie. malgré moi. comme mon travail ne me plaît plus j'ai décidé d'en changer. "les gens" y voient un signe de liberté assumée, même si ce n'est pas le cas. ils pensent et disent que je vais me "reposer", "prendre des vacances". à mon propos ils sont toujours très positifs. pour ma propre tranquillité je les ai habitués à ne pas faire d'analyses, ne pas chercher à savoir.
de ma jeunesse j'ai déjà parlé. parcours d'expériences et de désillusions. si bien que j'ai fini par endosser mon rôle de pestiféré dans la communauté. c'est ma carte de visite. autrement dit je me suis résigné au milieu. prendre les gens pour ce qu'ils sont. rien de plus. quels qu'ils soient, d'où qu"ils viennent, quelles que soient leurs aspirations à mon égard.
cela ne signifie pas que je puisse m'affranchir de mes propres obsessions. il y a un rétro dans le véhicule qui me renvoie l'image d'un très jeune homme plein d'espoirs et d'illusions, un activiste de la cause qui a pleuré Guy Hocquenghem et le GLH-PQ, tout autant que sur le quai d'une gare quand son premier amant partait sans lui rejoindre femme et enfants. il y a aussi un miroir chez moi qui me renvoie cette image d'homme qui continue inlassablement à s'interroger, à mêler passé et présent pour trouver des réponses aux questions qu'il n'a jamais cessé de se poser, les basiques concernant entre autre ma sexualité. surtout après m'être fait insulter, "sale pédé" par exemple. ça m'a renvoyé loin dans le temps, à une époque où je n'avais pas de défense. j'ai senti que ce temps était encore en moi. présent infini. alors devant le miroir je m'insulte moi-même, sans hystérie mais sans m'absoudre non plus.
le problème avec moi c'est que je garde espoir. j'ai toujours ce petit espoir qui parvient à contenir la haine de soi et des autres. réprimer cette sourde volonté de me piétiner moi-même, juste pour se faire du bien à la face du monde. un truc irréversible, enfin un.
je continue de penser qu'un jour ma vie traversera le moment qui la rendra meilleure, la sortira d'un tracé biologique vain afin que je puisse bénéficier d'un présent apaisé. mais je n'ai ni plan ni pronostic à ce sujet. je laisse aller, entre déconvenues que je qualifie de passagères et bonheurs que je tente de préserver coûte que coûte.
c'est quoi qui nourrit l'espoir, le désir de ce que l'on n'a pas? seulement ça? hiérarchisé d'un jour à l'autre...
aujourd'hui ce serait:
vivre une relation acquise
l'entendre de la bouche de l'autre
réaliser un bon travail
que les gens ne s'occupent plus de moi
...
mais chaque jour je doute et perds espoir puisque :
notre relation demeure une ébauche
il ne dit rien pour assurer du contraire
je me suis toujours fait chier au travail
les gens continuent à se mêler de ce qui ne les regarde pas
...
c'est l'hiver, ou presque. devant la maison il y a la route, elle longe des collines granitiques et puis la mer. derrière c'est la plaine et les montagnes, si magiques chaque matin qu'elles me sont un prétexte à attendre que passe la nuit.
j'ai vu trop d'infos désolantes ce week-end. ça m'a sans doute un peu détruit.
C'est peut-être cela qu'on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir. Louis-Ferdinand Céline
Nir Arieli,Tension 2012 |
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