dimanche 10 février 2013

ALPHONSE DE LAMARTINE


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ALPHONSE DE LAMARTINE

Le poète est semblable aux oiseaux de passage
Qui ne bâtissent point leurs nids sur le rivage, 
Qui ne se posent point sur les rameaux des bois ; 
Nonchalamment bercés sur le courant de l'onde, 
Ils passent en chantant loin des bords ; et le monde
Ne connaît rien d'eux que leur voix.

Jamais aucune main sur la corde sonore
Ne guida dans ses jeux ma main novice encore ; 
L'homme n'enseigne pas ce qu'inspire le ciel ; 
Le ruisseau n'apprend pas à couler dans sa pente, 
L'aigle à fendre les airs d'une aile indépendante, 
L'abeille à composer son miel.

L'airain, retentissant dans sa haute demeure
Sous le marteau sacré tour à tour chante et pleure
Pour célébrer l'hymen, la naissance ou la mort ; 
J'étais comme ce bronze épuré par la flamme, 
Et chaque passion, en frappant sur mon âme, 
En tirait un sublime accord.

(Nouvelles Méditations, 1828.)
***

Ces trois strophes font partie de la treizième [La cinquième dans l'édition définitive de 1849] des Nouvelles Méditations qui parurent en 1823 : Le poète mourant. La première ébauche de cette pièce remontait à 1817. A cette époque, Lamartine était vraiment malade. Il a plus tard repris ce thème et l'a développé. Il était de bon ton pour un poète d'être mourant. (La chute des feuilles et Le Poète mourant de Millevoye ont paru en 1811.) On aurait pu dire que la maladie était l'état naturel du poète, comme Pascal l'avait dit du chrétien. Donc le poète va mourir.

La coupe de mes jours s'est brisée encor pleine.

Mais il ne s'en afflige pas, car il ne tient pas à la vie, comme les autres hommes : 

Pour moi, qui n'ai point pris racine sur la terre, 
Je m'en vais sans effort, comme l'herbe légère
Qu'enlève le souffle du soir.

Viennent ensuite les vers qui nous sont proposés et auxquels nous bornerons notre commentaire.

1) Composition
Trois strophes, trois idées traduites par des images.
a) Le poète est un être à part, au-dessus de l'humanité ; il n'a point de demeure fixe ici-bas. Il passe indifférent au monde, qui ne le connaît que par ses chants. Lamartine le compare aux oiseaux de passage et la comparaison se poursuit pendant toute la strophe ; elle fait corps avec l'idée.
b) Nul n'a enseigné la poésie à Lamartine ; le poète chante d'instinct, il est inspiré par le ciel. Trois images, le ruisseau, l'aigle, l'abeille. La même idée sera reprise un peu plus loin, 

Je chantais, mes amis, comme l'homme respire, 
Comme l'oiseau gémit, comme le vent soupire, 
Comme l'eau murmure en coulant.

c) Le poète chante ses joies et ses tristesses, les divers évènements de la vie : l'hymen, la naissance et la mort. Ici Lamartine commence par la comparaison qui se développe en une sorte de petit symbole : le poète est semblable à la cloche, dont le bronze est épuré par la flamme ; les passions qui l'inspirent doivent se dépouiller de tout ce qui est impur, brutal ou mesquin : il en tire des accords sublimes (élevés, célestes, éthérés).

2) Ce texte nous permet de définir la poésie romantique et le génie de Lamartine.
a) Ce qu'il y a de romantique dans ce passage, c'est d'abord la conception même de la poésie. Mais nous ne sommes encore qu'en 1823, et c'est Lamartine qui parle. La poésie est donnée comme l'expansion spontanée de l'âme : elle est personnelle, intime ; elle n'est pas encore confidentielle. En passant dans ses vers, les sentiments du poète se purifient, s'idéalisent et prennent un caractère de généralité, qui les "décante", si on peut ainsi parler. Le goût des confessions, "l'étalage du moi" viendra plus tard, et Lamartine n'y échappera pas (au moins en prose). Mais les Premières Méditations ne sont que des soupirs, des effusions, des impressions, vagues et vaporeuses, sans rien qui permette de délimiter le sentiment ou d'identifier les personnes ou les lieux (aucun nom propre dans Le Lac). Si Lamartine était mort en 1823, le monde n'aurait vraiment connu que sa voix.
b) Bien romantique encore l'idée que le poète est son seul maître. Mais tout en affirmant la suprématie de l'inspiration, Hugo travaillera beaucoup ses vers. Lamartine, au contraire, comme Musset, dédaigne le métier et affecte de ne jamais se corriger.

3) Langue, style et versification.
a) Langue d'une exquise simplicité dans son élégance. Lamartine est frère de Racine. Mots très simples, rien qui attire l'attention. On peut noter quelques vestiges de la langue poétique du XVIIIe siècle : hymen, airain pour cloche, haute demeure pour clocher (termes généraux). Dans sa pente est mis pour en suivant sa pente, par analogie à dans son lit.
b) Les vers sont fluides, harmonieux, une vraie musique pour l'oreille. Soulignons pour finir le coup d'archet des deux derniers vers, après une longue suite de sons doux et caressants.

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